Jean Alesi 3ème partie – trajectoires en rouge
Entre 1991 et 1995, Jean pilote pour la Scuderia qui traverse alors la pire période de son histoire en F1. Retour sur des années de courage, de galères mais aussi d'exploits qui ont forgé la légende et la popularité de Jean Alesi.
1991, au cœur de la tourmente
En 1991, Jean Alesi rejoint donc Alain Prost au sein de la Scuderia. Les ambitions sont énormes : Prost a disputé le titre mondial en 1990 et la Ferrari 642 s’est montrée très véloce lors des essais d’intersaison. Senna et les Williams-Renault seront bien entendu redoutables mais, à Maranello, on y croit dur comme fer. Tous les regards se portent aussi sur le jeune avignonnais qui, sicilien d’origine, attire la curiosité des médias italiens. Annoncée comme explosive, la cohabitation des deux français, aux tempéraments certes différents, va se passer très bien et même créer une réelle amitié entre eux, qui sera mise à mal 10 ans plus tard dans le fiasco Prost GP. Mais cela est une autre histoire…
Pourtant, dès le début de la saison, les espoirs sont vite rangés au placard et le cauchemar s’installe : simple évolution de la voiture de 1990, la 642 est en fait ratée, peu fiable et surclassée en performance pure par les McLaren, les Williams voire même les Benetton qui les talonnent.
Jean se débrouille pas mal avec un meilleur tour aux Etats-Unis et une 6e place au Brésil. Le pire survient à Imola, sur les terres de la Scuderia, où le team boit le calice jusqu’à la lie : Prost sort et abandonne…dans le tour de chauffe, alors que la piste est détrempée puis Alesi se fait piéger au 2e tour en tentant de déborder la Tyrrell de Modena. Il échoue piteusement dans les pneus. La presse se déchaîne et la crise éclate au sein de la Scuderia : les tensions apparues en 1990 (lors du fameux départ raté de Mansell sur Prost à Estoril entre autres) rejaillissent et le pourrissement, qui est en marche depuis bien longtemps, va se déchaîner au cours de l’année. Le torchon brûle notamment entre Prost et Cesare Fiorio, le directeur sportif. Jean se trouve donc plongé au cœur d’un maelstrom qui le dépasse.
Une éclaircie apparait à Monaco où Jean décroche le podium, en battant son illustre équipier. La suite est bien décevante, avec une simple 4e place et trois abandons sur pannes mécaniques ou sur un accrochage à Silverstone. Entre temps, les révolutions de palais se multiplient en interne et le grand ménage commence. Cesare Fiorio est le 1er à en faire les frais, limogé en Mai.
La plus grosse désillusion se produit à Spa : à mi-course, il prend la tête, avec Senna à ses trousses. Pendant 9 tours, Alesi mène et laisse entrevoir peut être une première victoire qui délivrerait toute l’équipe. Mais Jean va être frappé par cette malchance noire qui l’accompagnera tout au long de sa carrière : le moteur rend l’âme et Jean, résigné, n’y peut rien.
Jean signe encore un podium au Portugal puis une 4e place en Espagne, en s’offrant notamment un dépassement osé sur Senna. Cette course laisse encore un goût amer car, sans une pénalité assez sévère infligée en début de course, il pouvait prétendre à la victoire.
Au Japon, Le moteur de Jean casse dès le 1er tour. Ce grand prix tourne au tragi-comique pour Ferrari : Prost, excédé, déclare avoir « conduit un camion » et se voit limogé sur le champ par Ferrari. Alesi assiste donc à cette aventure Prost-Ferrari qui s’achève en queue de poisson et prend conscience de la dure réalité, celle des intrigues politiques et des règlements de comptes à l’italienne. Quelques semaines plus tard, énième épisode de la tragi-comédie, Piero Fusaro est révoqué par FIAT et remplacé par le revenant Luca Di Montezemolo.
Pour le dernier GP, Jean partage son stand avec Gianni Morbidelli. Sa course se termine dès le 5e tour, alors que la pluie diluvienne qui s’abat sur Adelaïde met un terme définitif à la course au 16e tour.
Au final, Jean se classe 7e du championnat du monde, avec 21 points (contre 34 à Prost). Loin d’avoir démérité face au champion du monde français lors de cette pénible saison 1991, il sait que désormais il devra endosser un costume de taille : être le chef de file d’une Scuderia en pleine tempête.